Jacqueline

JACQUELINE ROMANS – JUILLET 2020

Lorsqu’elle était petite …C’était la guerre.

Alors son futur métier n’était nullement le sujet de ses préoccupations.

Elle se souvient que « Elle est allée à la maternelle à 2ans… Lorsqu’elle était à la maison et que sa maman, piqueuse en chaussures chez Charles Jourdan (dans cette ville d’usines de chaussures), allait livrer son travail, elle l’installait dans sa chaise haute, en position basse, attachée avec quelques jouets et trois bonbons « pastilles Valda » un pour tout de suite un quand elle voulait et le dernier pour le retour de sa maman. Elle avait une consigne, si quelqu’un frappait à la porte ne pas répondre, ne pas pleurer, ne pas crier et rester en silence dans le cas où se serait la Gestapo. En cas de bombardement, la voisine viendrait la chercher pour l’accompagner dans la cave, car le papa avait été fait prisonnier en Allemagne alors qu’elle n’avait pas un an. Elle ajoute qu’elle connaissait les bruits de bottes qui la terrorisait ….»

NB  dans son immeuble il y avait un collaborateur un résistant et des arrestations dans la rue.

 

On comprend après ce récit que la question du parcours professionnel à cette époque paraissait EXOTIQUE…

Cependant ses premiers désirs étaient….boulangère parce que ça sentait bon et qu’il faisait chaud !!

 

La guerre s’est terminée en même temps que son entrée à l’école primaire.

Elle a fait une cure à la Bourboule (station thermale utilisée comme lieu de remise en forme des enfants de la guerre) et a repris l’école un peu après les autres enfants car après la cure elle a été envoyée en Maison d’Enfants au Château de Tarons dans la Loire. Comme il n’y avait plus de place dans la classe de son âge après quelques vérifications de son niveau elle a fini dans la classe supérieure. Mais elle était dans les premières de sa classe, les autres enfants ayant 2 et 3 ans de plus …. Car ses parents lui avait dit « qu’être dans les 15 premiers c’était bien. Alors elle était 15^ème sur plus de quarante élèves

 

« sauf en orthographe !!!! » dit-elle en riant

Pour l’entrée en 6^ème l’institutrice a voulu inscrire une autre élève (plus âgée) avant dernière de la classe !

Elle était meilleure sauf qu’elle avait toujours une note éliminatoire en orthographe.

Son papa a exprimé son sentiment d’injustice. A l’examen d’entrée en 6° au collège elle n’a pas eu zéro en orthographe ! (1/2 point !). Elle a été admise. (Pour la petite histoire l’élève que l’on voulait présenter à sa place a été admise en repêchage !)

 

Ainsi, elle est entrée au collège Moderne de Jeunes Filles avec une année d’avance là aussi.

« Brillant sujet » dis-je

Elle sourit …

Je reconnaissais bien là sa modestie qui m’avait frappée lorsque bien plus tard je l’ai rencontrée….

 

En suivant elle réussit le certificat d’études

Avec un an d’avance quelle outrecuidance pense le collège !

Au brevet des collèges /BEPC

Elle rate d’un point son examen (cette année-là pas de repêchage)

Ses parents n’ayant pas de gros revenus lui proposent encore une année d’école et « au boulot » Elle « choisit » un circuit court. Elle entame une année de formation de secrétaire/comptable au COURS LAMBERT à Romans, sténo.dactylo.comptabilité.

Elle obtient l’équivalence du CAP Secrétaire-Comptable, car n’ayant pas 16 ans elle ne pouvait se présenter au CAP !

MAIS

Elle aurait aimé être prof de gymnastique qu’elle pratiquait depuis l’âge de 6 ans.

Elle a été championne de France de gymnastique en 1958.

POURTANT elle commence tout de suite à travailler : elle a moins de 16 ANS

Son premier emploi est un remplacement à LA POSTE de Bourg de Péage

PUIS

Elle est recrutée par une entreprise de semelles caoutchouc pour chaussures comme comptable, chez « CATHY caoutchouc ».

Elle raconte l’odeur de caoutchouc pestilentielle, la chaleur étouffante dans les ateliers tout proche, elle évoque l’esclavage…Surtout pour les ouvriers du secteur production.

Elle enchaine chez « FINET CHAUSSURES »

MAIS…..

La chef comptable lui demande d’effectuer beaucoup plus de dactylographie que le contrat initial ne le prévoyait. Elle avait  fait des études de comptabilité, l’étude de la dactylographie était secondaire dans son cursus. En conséquence …elle a un problème médical de poignet et doit se faire opérer et renoncer définitivement à la dactylo. Elle est licenciée.

Elle retrouve du travail dans l’alimentation de luxe cette fois comme vendeuse.

MAIS…elle fréquente « un étranger » et la direction lui demande de partir. Elle est  remerciée pour ce motif, ses collègues sont outrés.

Mais…..elle se marie

 

Elle retrouve du travail dans une imprimerie

Sa fonction consiste à manier le massicot. C’est un travail de force, habituellement confié aux hommes. Mais elle réussit plutôt bien, très sportive depuis son adolescence de gymnaste ….

 SAUF….

Qu’elle attend un bébé. Plus de massicot !

PUIS

Son conjoint perd son emploi. C’était les années de gel de l’industrie et du retour des rapatriés d’Algérie prioritaires dans les emplois…

AINSI….

Elle re-cherche un travail et pour cela elle se rapproche de son réseau d’ex sportive de haut niveau.

Elle trouve un remplacement de 3 ans au service des impôts directs. Ses collègues sont optimistes, elle aime bien ce travail et l’équipe.

MAIS….

Peu de temps après l’administration à ordre de licencier tous les contractuels, même ceux qui sont en contrat renouvelés depuis 20 ans pour faire la place aux fonctionnaires rapatriés d’Algérie. Elle va être licenciée… UNE NOUVELLE FOIS…..

Elle cherche du travail

Sa supérieure hiérarchique (conseillère municipale) lui propose un poste à la bibliothèque de Romans. Le poste, proposé à sa belle-sœur, qui n’en veux pas car …salaire trop bas !

Elle se présente et est recrutée comme ….Garçon de Bibliothèque !!!!!

NB Elle est une des dernière nommée sur ce vocable

La fonction devient « employé de bibliothèque »

Son responsable hiérarchique étant juste le grade supérieur, elle comprend que sa carrière est bloquée, d’autant que la mairie est dans une période très politique où le nouveau maire/ministre ne souhaitait ni conflit, ni refontes radicales….

Elle présente donc sa candidature sur le premier poste vacant dans un autre service de la mairie, un mi-temps très inconfortable….Co-travailler avec la maîtresse de son ex-mari. ..

 

Le quartier est très remuant et populaire : « la monnaie ».

Elle accepte cependant un mi -temps au secrétariat de la PMI

ET

Un mi-temps à la création d’une petite bibliothèque jeunesse dans un centre social (plus de 200 enfants en lecture sur place le jeudi après-midi)

PUIS….

De cours en concours, au centre de formation du personnel communal CNFPT, elle passe de commis à rédacteur.

Dans le même temps elle est conseillère fédérale pour le syndicat CFDT

ET….

Obtient enfin un poste qui lui convient : Responsable du service formation de la mairie de Romans

 

NB je l’ai rencontré dans ce service…et j’ai une dette d’honneur envers elle car …sans elle je n’aurais jamais réussi à commencer ni à finaliser mon doctorat. Sans sa détermination à dénoncer et contrer les injustices je n’aurai même pas eue la possibilité de commencer…elle a pris congé personnellement pour porter mon document d’inscription à l’université suite à un épisode de violence institutionnelle….elle a tout au long fait sauter des barrières et même elle est venue …..à 1H du matin avec une bouteille de champagne fêter le dernier mot de mes 442 pages de thèse…. !!!

 

Le poste était gagné …. mais le déroulement de carrière  n’était pas gagné

Première année la promotion interne n’est pas pour elle,

SOIT…

Mais la seconde année elle demande un rendez-vous au maire de la ville car l’injustice est flagrante. La personne nommée remplit moins de critères !!!!!!!!!! Que ceux du contrat….. !

Le maire  lui  fait une promesse selon elle « politique ».

ALORS…

Elle se renseigne à propos d’un poste dans le Puy de Dôme et prend une option sérieuse en accord avec les recruteurs, et prévient le maire … « amicalement » qu’elle reste jusqu’au lendemain des élections municipales. « Et pas un jour de plus si elle n’est pas enfin nommée ».

 La veille des élections …toujours pas de nomination. Elle informe le maire qu’elle quittera la mairie le lendemain. S’ensuit une petite bagarre de textes, vite résolue à son avantage car elle s’était préparée de longue date

Elle prend son poste dans la capitale du couteau, en qualité d’Attachée Responsable des services administratifs à la mairie de THIERS, au lendemain des élections.

 

NB Elle revient à Romans pour le vernissage de mon exposition à la galerie des quais et demande à voir le maire pour lui dire en face et en privé son point de vue !!!! Ce face à face se déroulera sur les quais de l’Isère sans témoin. Comprenant qu’il est gravement malade, elle ne lui dira rien.

PUIS

Elle tente une candidature au Centre de Gestion de la FPT de l’Isère en qualité d’Attachée

(Comme Sa fille est à l’université de Grenoble, cela est confortable) elle est recrutée

MAIS

Tout est compliqué dans ce service, le système informatique est obsolète.

ET

Un Vendredi  ……très gros problème informatique, le lundi qui suit elle est mise en accusation. Seulement elle ne travaillait pas ce vendredi. Ses collègues, vexées d’être dévoilées l’ont mise en quarantaine.

ALORS

Elle posa sa candidature à la mairie de l’Alpe d’huez. (plus de trente candidatures)

Elle est recrutée

Bien qu’autodidacte, elle est reconnue par l’organisme de formation le CNFPT comme titulaire d’une équivalence /maitrise. Elle sera nommée Directrice Adjointe des Services

ENFIN …

ET …ELLE ENVISAGE SA RETRAITE

MAIS….

L’équipe municipale vient juste d’être renouvelée en totalité. Les élus lui demandent de rester une année de plus. Elle accepte à condition d’avoir la certitude de passer au 7^ème échelon de Directrice Adjointe des Services !

La mairie a été correcte /  ou le Maire a accepté !!!!

L’équipe avait vraiment besoin d’un coaching pour démarrer dans de bonnes conditions dans ce bourg de tourisme

VOILA

Fin d’une histoire professionnelle pleine de rebondissements d’aventures de changements radicaux de fonction

En fait pour TOI…. C’était déjà le monde de demain

Avant l’heure

Avec sa cohorte de belles rencontres, de dragons tout puissants aux pieds d’argile

Un grand  Bravo pour  le courage…..La détermination à œuvrer pour la justice …particulièrement pour les autres !

 

Tu étais hier…Tu voyais déjà demain

Tu as fait des traces dans la neige…… de l’Alpe d’Huez et d’ailleurs !!!!

 

 

CONTESSE

 

J’ajoute ces deux retours de sa part car ils me paraissent nécessaires à la compréhension profonde du parcours de cette dame

 

PS    « J’allais t’envoyer le document, mais j’ai relu ton courriel et je me suis aperçue que je n’avais rien dit de ma vie associative : de trésorière de l’Association sportive où je m’entrainais à 20 ans, à secrétaire des Amis du Vieil Alixan, aujourd’hui, j’ai toujours fait partie d’une association et/ou d’un bureau associatif, voir créer une association ! Le dernier travail rémunéré que j’ai exercé, pendant 10 ans tout de même, c’est celui de correspondante de presse pour le Dauphiné Libéré. …..

ET

Un grand, très grand MERCI pour ce (j’avais écrit un compte rendu mais pour toi ce sera conte !) Tes compliments me vont droit au cœur, et tu m’as permis de prendre conscience de choses que je considérais comme normales, anodines. Je pensais avoir eu une vie « normale » un peu chahutée certes, mais je me découvre dans ton travail et j’en suis très fière. M. Claustre (ton directeur de recherche) m’avait dit

«Vous êtes une passerelle » ….

Merci